Nous autres gilets jaunes, misions essentiellement sur la présence physique des ronds-points tout au long de la semaine, lieu où on pouvait se rencontrer et s’apercevoir que nous avions les mêmes références, créer une conscience sociale collective et sortir de l’isolement de l’écran. La vidéo Youtube nous éclairait mais nous atomisait, le rond-point venait refaire le liant. La manifestation du samedi après-midi devait servir à montrer au Pouvoir la présence d’une opposition et tenter de rentrer dans un rapport de forces. Avec le succès qu’on a vu, puisque l’oligarchie mondiale a déclenché son opération Covid-19, qui a balayé tous les soulèvements populaires qui fleurissaient un peu partout. On ne va pas ici refaire l’histoire des gilets jaunes, entre novembre 2018 et novembre 2019, ça a déjà été fait et ce n’est pas le sujet qui nous intéresse aujourd’hui qui voulons nous consacrer au présent.

Plus que les black blocs et autres antifas1, c’est surtout Facebook et Twitter qui nous ont nuit en aspirant beaucoup de notre énergie dans le virtuel en de longues discussions virant à l’insultes, dès lors que ces outils poussent à la médiocrité et à l’addiction par leur fonctionnement-même. En 2020, accompagnant le vol des élections présidentielles nord-américaines et le mensonge généralisé autour des traitements contre le Covid-19 et les thérapies géniques expérimentales, une grande purge des comptes non-alignés sur la narration de l’oligarchie mondiale a eu lieu chez les GAFAM, notamment sur Facebook, Twitter ou Youtube2. Qu’à cela ne tienne un nouvel écosystème numérique se recréait pour les Hommes libres. Quitte à diviser le peuple encore plus jusqu’à donner l’impression de vivre dans une Allemagne informationnelle d’après-guerre, les uns vivant avec les media de RDA et les autres de RFA ou deux mondes qui se regardent avec un mépris mutuel sans plus comprendre l’autre. Telegram remplaçait massivement WhatsApp de Facebook pour les groupes de messagerie, VK offrait une (fragile) alternative à Facebook pour les réseaux sociaux et surtout Odysee ou Rumble, dans une efflorescence de services de vidéos, répondaient à la purge sur Youtube. On ne réglait pas les problèmes inhérents à l’écran, la passivité3 qu’imposent les vidéos ou la longueur de l’oral comparé à la rapidité de l’écrit4, mais une nouvelle époque naissait qui paraissait plus propice au développement d’un vrai mouvement de lutte, échappant aux outils offerts par l’oligarchie mondiale afin de gagner de l’argent, tout en, politiquement, tenant tout le monde sous son contrôle et sa coupe.

Or, la stratégie Telegram me paraît un échec total et global sur toute la ligne, quel que soit le groupe. Le Réseau Solidarité Active (RSA), qui devait mettre en contact des gens sur un rayon de 25 km maximum afin qu’ils s’entraident, est un échec complet puisque dans la discussion unique et sans structure, tout est noyé dans un flot permanent de nouvelles (qui n’ont très souvent rien à voir avec le principe initial), dans un grand puits sans fond et stérile. Ces groupes Telegram se multiplient, d’ailleurs, à côté des canaux de gens ou groupes connus qu’on peut suivre. Mais dans aucun la qualité n’est au rendez-vous. Au contraire, on dirait qu’il faut compenser ce bruit par plus de bruit encore, créer et adhérer à plus de groupes possible pour avoir l’impression de faire quelque chose, ou dans la peur de rater quelque chose, alors que tous se ressemblent et aucun n’apporte rien de concret. Tout comme les journaux de l’oligarchie mondiale possédés par des milliardaires et engraissés par l’État afin d’accomplir leur basse besogne d’endormissement et de propagande, qui copient ad nauseam les mêmes dépêches de l’AFP, la galaxie réfractaire voit les mêmes tempêtes s’emparer de chaque groupe au même moment, notamment les jours de sorties de vidéos spectaculaires et virales. Partager (parfois sans regarder le contenu partagé) tient lieu d’action politique pour beaucoup : cliquer c’est agir, réveiller des déjà réveillés dans des cercles acquis aux sujets traités dans un univers virtuel, c’est être une grande lanceuse d’alertes5

Hormis des groupes comme Le Grand Réveil (un ramassis de dingos plus loin dans l’espace sidéral de la perdition que les zombies suivant le narratif contradictoire du Pouvoir, et qui décrédibilisent les complotistes sérieux qui ont raison de l’être) ou le Comité National de Transition (une bande de vieux rêveurs qui se masturbent l’espoir avec des textes de lois et des appuis de l’Armée pour des coups d’État qui n’arrivent jamais)6, l’échec des groupes à sociologie normale (on va dire comme ça) fait que ce n’est pas une question d’individus ou de modération fautive car laxiste des fils, sinon un échec des outils. Les groupes Telegram Un Nôtre Monde – nés en marge de Reinfocovid et en prolongement de la liste électorale de Louis Fouché présentée aux régionales d’avril 2021 – ont essayé de diviser leurs discussions en différents sous-groupes thématiques (habitat résilient, éducation, santé/alimentation, humour…) afin de distinguer les différents sujets qu’ils voulaient aborder mais en vain : un gros tiers des messages est constitués des arrivés / départs de membres (y compris de trolls ou robots) et des salutations des nouveaux venus (autrement dit : du vent), un autre tiers des exposés des rêves des uns et des autres (le tout rehaussé de cœurs, licornes ou autres images à en faire vomir même les estomacs les plus habitués au sucre), et un dernier tiers à des vidéos de projets déjà réalisés par d’autres, tirés des 250 chaînes ayant trait à la permaculture7 ou habitats alternatifs. Bref ça brasse beaucoup et rien n’a abouti en plus de six mois. Les exemples pourraient se multiplier, y compris dans les groupes abordant la question de la rentrée scolaire qui n’ont permis que le partage d’un peu d’informations déjà trouvables ailleurs, mais rien, à ma connaissance de construit au niveau collectif. Ou pour le dire autrement, contrairement aux annonces bruyantes des gourous de l’Internet, aucune intelligence collective ne sort de là, politiquement, et le gain en lien social, sociologiquement, est maigre comparé à la perte de temps que l’outil impose.

Les prochains jours, avec l’arrivée de la date fatidique du 15 septembre et les suspensions de beaucoup de non-ogéèmisés de leur poste, vont être très intéressants. On va avoir trois jours qui tanguent et un samedi 18 septembre de manifestation, pour la 10ème balade en gueulant, ou « marche fraternelle ». Puis il faudra aviser.

Il faudra sans doute prendre des décisions et changer totalement de fonctionnement : fin de Telegram pour se donner l’impression de s’organiser collectivement, et fin des manifestations hebdomadaires. En tout cas, si nous continuons sur la même lancée, la stratégie d’enlisement opposée par l’oligarchie mondiale aux peuples décidés de ne pas se laisser réduire à l’esclavage, va encore une fois triompher et la disparition des gilets jaunes en tant que force capable de faire vaciller le Pouvoir, aura été vaine. Le passage d’outils numériques oligarchiques aux mêmes outils mais délivrés de toute censure, n’aura rien non plus apporté.

De notre côté, au Postillon de Colmar, nous pensons qu’il faut moins passer de temps devant les vidéos et bien mieux organiser nos discussions. Pour cela nous essayons de créer des cercles de lecture et de lancer un forum, retardé par quelques problèmes techniques, qui doit nous aider à avoir des discussions positives et actives, loin de la réaction passive ou de la réinformation chronophage (surtout si elle concerne des échelles qui nous dépassent totalement). Nous essayerons aussi de proposer plus d’informations de proximité et des articles structurés, loin du papillonnement maladif que voudrait nous imposer le Système médiatique voire la Déséducation républicaine, cette « fabrique de crétins » qui se sert aujourd’hui des crétins de première génération (dé)formés entre 1968 et 2000, pour mettre des écrans dans les mains des petits de la génération née avec Internet, terminant de faire de la plupart d’entre eux des êtres encore plus déstructurés.

Nous sommes aussi en faveur d’une grève générale et d’actions plus musclées qui obligent les uniformes lâches de ce pays à entrer dans le jeu politique.

Une chose est sûre, là, tel que nous (n’)avançons (pas) (ou en rond), nous allons clairement dans le mur comme lorsque nous étions gilets jaunes. Si au moins nous autres qui avions compris les choses avant tout le monde (mais pas su nous organiser), pouvions nous servir de cette expérience pour éviter ce nouvel échec en réveillant les faussement réveillés, nous pourrions peut-être remporter une petite victoire posthume…

Photo d’entête : “Winners and Losers” par Alan Levine

  1. De parfaits crétins pilotés par la police et face à qui nous n’avons pas su apporter de réponse physique les jours de manifestations.
  2. Sans compter les incessantes manipulations sur Wikipedia ou Google, qui sont plus invisibles et nous mèneraient trop loin.
  3. Relative pour certains puisque beaucoup de conférences ou analyses peuvent se passer de l’image et sont donc écoutées en faisant autre chose en même temps.
  4. Il faudrait, certains jours, consacrer toute sa soirée à suivre les dernières vidéos intéressantes, une fois le tri fait des chaînes de dingues spectaculaires. Ce qui amène à penser que la généralisation des vidéos, outre d’être un gouffre énergétique, est une régression anthropologique …qui suit la destruction totale de l’Instruction publique : des illettrés incapables de se concentrer ou d’utiliser correctement leur langue (donc de penser) ne peuvent plus participer à une civilisation basée sur l’écrit.
  5. On m’excusera pour le féminin, mais le profil est surtout une femme de plus de 50 ans, qui se grise de tout cela sans maîtriser les sujets avec lesquels elle joue en se prenant pour plus maline qu’elle n’est.
  6. A Colmar, ils ont été capables de peindre des points verts un peu partout, prélude à un grand plan de communication qui allait estomaquer le bourgeois colmarien. Sauf qu’entre temps, les braillards grandiloquents se sont disputés et ont laissé leurs points verts comme seules traces de leur révolution à venir. Mais que ne les a-t-on pas entendu, ces pitres !
  7. Le potager de papi pour bobo au look de Pablo Servigne et qui aiment les néologismes.

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