On pourrait croire que la mode des cœurs bleus et des « deux minutes de l’amour » orwellliennes, à 20h, en faveur du personnel soignant, sont les séances de rattrapage de tous ces endormis qui n’ont pas eu la présence d’esprit de se rebeller en enfilant un gilet jaune ou en allant manifester avant la crise sanitaire. On pourrait donc passer sur la coupable mollesse d’hier pour se réjouir de cet éveil à la conscience et de cet élan de solidarité d’aujourd’hui (qui ne coûte rien cela dit, que deux minutes à poser à la fenêtre). Mais rien de cela.

Le « cœur bleu » (comme il y eut le gros bide des « foulards rouges », inventés par le Pouvoir pour contrer les gilets jaunes) n’est pas un porteur d’espoir sinon de crainte. S’il est là à sa fenêtre, lui qui dormait devant sa télé (qui, déjà, a la télévision, ce qui est un premier indice de laideur morale et de non-respect de soi), ce n’est que pour se donner bonne conscience et espérer …passer dans les media qui flattent sa bêtise spectacularisée. Ce rat de laboratoire en psychologie sociale, ce cobaye qui sert actuellement à une grande expérience in vivo de psychologie des foules, recevant des petites boulettes de récompenses, ne fait que réagir avec zèle à une injonction. On imagine bien que ce dormeur s’est subitement réveillé, spontanément, comme tous les autres lorsqu’il a fallu s’émouvoir sans réfléchir le 11 septembre 2001. Puis on a offert à ce triste personnage suiviste et veule, l’opportunité d’être un héros1 en étant « Charlie ». A chaque fois que Facebook (déjà, il a Facebook, indice assez évident qu’il n’est pas très malin) lui propose de montrer à tous ses “amis” son adhésion au camp du Bien, il suit fièrement. Il n’a donc pas été Notre-Dame, puisque personne ne lui a chuchoté à l’oreille de l’être. Mais si demain le Pouvoir et sa propagande médiatique lui montrent que tels ou tels sautent à pieds joints en se touchant le nez pour sauver la Terre, s’il voit Greta le faire, il le fera. N’ayant pas l’exigence morale de rester vigilants et de réfléchir, la plupart des mâles ayant accepté sans trop de résistance de laisser désarmer leur saine méfiance par du féminisme guimauve répété inlassablement depuis la fin des années 1990 et le gouvernement Jospin, les voilà affadis et incapables de défendre les leurs des attaques d’un État dans la main de qui ils mangent sans se méfier, repus, assujettis et la tête maintenue occupée à mille autres choses que leur liberté.

Certes, on ne leur donnera plus un uniforme ni une arme et, même en cas de famine et de peur panique, on ne peut pas vraiment craindre que ces gentils zombies vous fassent du mal. Des uniformes décérébrés et vaccinés contre toute moralité, aidés de haute technologie (pour laquelle les budgets ne manquent pas), s’en chargeront. (Ou pas, on laisse mourir simplement aujourd’hui.) Mais les gens bêtes et esclaves pour les petites choses symboliques, le sont pour les grandes. Ils feront donc les meilleurs délateurs. Jamais vous ne pourrez monter de guérilla avec eux, si l’État devient totalitaire et qu’il faut s’en défendre tant bien que mal. Ils seront les premiers à vous condamner et à vous chasser si vous refusez les vaccins obligatoires ou le puçage de votre corps. Il suffira qu’on leur dise que c’est être dans le Camp du Bien de se laisser tracer et contrôler par l’État, ils chasseront les terroristes qui ne veulent pas l’être. La connerie n’est pas attendrissante. Elle fait les gens plus tarés quand ils se réveillent de leur léthargie d’imbéciles routiniers, là où les méfiants se sont préparés ne serait-ce que mentalement à résister (même si on ne se sait jamais comment on réagit lorsque cela vient). Cela fait les plus dangereux des fourbes.

Donc voilà, ces gentils crétins qui applaudissent à leur fenêtre, qui accrochent leurs cœurs bleus quand ils se grattaient les couilles devant le JT de 20h en regardant les infirmières manifester quand ils n’étaient pas concernés, qui même parfois, parce qu’ils osent tout, vous reprochent d’un regard noir de ne pas participer à cet enthousiasme organisé2 quand vous vous avez sacrifié vos samedis et vos longues soirées d’hiver à rondpointer pour essayer de bouger le pays, sont les pires ennemis de l’homme libre. L’État peut compter aux fenêtres le nombres de ses toutous, comme Zuckerberg lui donne la liste de tous les nunuches manipulables. Potentiel kapo du Système, heureux de se voir passer dans la télévision et dans les media où seuls leurs vies semblent pouvoir trouver une existence, ces mous zélés sont fiers comme des écoliers recevant une image du maître. La société du spectacle produit des idiots utiles à qui on peut vendre de l’héroïsme bon marché fait du montage de leur naïveté dégoulinante de gentillesse bien mise en scène. Que la société devienne une société totalitaire de l’espionnage omniprésent et de la docilité stricte, ils répondront encore joyeusement (puis craintivement) à l’appel.

Applaudissez donc, cœurs bleus, à vos balcons. Vous n’aidez pas les soignants que vous oublierez demain et qui ne vous entendent pas. Vous signez avec le Diable en riant, qui, lui, vous voit et s’amuse du spectacle. Demain, il faudra faire la révolution. Serez-vous là dans la rue avec les autres, ou serez-vous encore en train de crier avec la meute contre les désordres parce que les bourgeois apeurés et les républicains acculés vous auront recrutés dans leur armée d’idiots utiles venu défendre leur ordre pourri ? Feignons de ne pas avoir la réponse. Mais qu’importe. Ce sont les courageux qui font l’Histoire ; les autres la suivront de leur fenêtre ou de leur écran.

 (Qu’est-ce qui est mieux, peuple ? Une presse qui te dit que tu es un con, ou celle qui te prend et par derrière et pour tel ?)

Entête : « Bébé, Bonnet fourrure marine coeur » par CactusColors

  1. Enfin, à peu de frais : n’être que dans le déclaratif et le compassionnel ostentatoire le plus navrant, ce n’est tout de même pas le début ni d’un sacrifice ni même d’une marque de courage…
  2. La formule l’« organisation de l’enthousiasme » est de Daniel Halévy qui, très tôt dans le vingtième siècle a compris le totalitarisme.

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